UN PEU PLUS SUR L’ESTIME
de SOI...
Comment l’estime de soi
s’ancre-t-elle en l’individu ? Pourquoi est-elle si fragile et susceptible de
se briser ? Deux psychiatres, Christophe André et François Lelord, nous
l’expliquent dans un ouvrage formidablement actuel, L'estime de soi (Odile
Jacob). A l’heure du chômage qui pousse des milliers d’individus à se juger
inutiles, donc méprisables, à l’heure du primat de l’apparence qui incite tant
d’hommes et de femmes à détester leur propre image, à l’heure du culte de la
performance qui ordonne à chacun d’être le meilleur, à l’heure de l’injonction
à devenir soi-même et à s’épanouir par ses propres moyens, sans repères sur
lesquels s’appuyer, il était temps que la psychologie intervienne. Et nous aide à nous situer entre
les idéaux démesurés que nous n’atteindrons jamais et les complexes qui nous
interdisent de parvenir à nos objectifs.
Pour débuter ce périple au cœur
de l’estime de soi, précisons qu’elle ne se limite pas au constat "je
m’aime" ou "je ne m’aime pas". Elle reposerait, selon les
auteurs, sur le bon équilibre de trois piliers : l’amour de soi, la vision de
soi et la confiance en soi. L’estime de soi est une donnée fondamentale de la
personnalité, placée au carrefour des trois composantes essentielles du Soi ::
comportementale , cognitive et émotionnelle. Elle comporte des aspects
comportementaux (elle influence nos capacités à l’action et se nourrit en
retour de nos succès) et cognitifs (elle dépend étroitement du regard que nous
portons sur nous, mais elle le module aussi à la hausse ou à la baisse).Enfin,
l’estime de soi reste pour une grande part une dimension fortement affective de
notre personne : elle dépend de notre humeur de base, qu’elle influence
fortement en retour. Les rôles de l’estime de soi peuvent d’ailleurs être
compris selon cette même grille de lecture : une bonne estime de soi
facilite l’engagement dans l’action, est
associée à une auto-évaluation plus fiable
et plus précise, et permet une stabilité émotionnelle plus grande.
La nécessité de s’aimer
suffisamment soi-même pour réussir dans l’existence a depuis longtemps été
pointée par Freud. Il l’a nommée le "narcissisme". Ce mot a
actuellement bien mauvaise presse car confondu à tort avec
"égocentrisme". Une idée fausse à réviser d’urgence. Sans un
narcissisme bien assuré, l’individu tend à se considérer comme une nullité
vivante. S’aimer revient à accepter ses défauts, ses échecs sans en trembler de
honte. Celui qui s’aime correctement est une "bonne mère" pour
lui-même : indulgent, il continue de s’apprécier même en cas de situation
défavorable pour l’ego (rupture amoureuse, licenciement, blâme, etc.).
La vision que nous avons de
nous-mêmes est presque toujours sans rapport avec notre reflet objectif dans le
miroir ou le chiffre de notre QI. Nous nous voyons avec nos convictions
intimes, nos préjugés. Raison pour laquelle notre regard sur nous-même surprend
parfois les autres. Elise se trouve laide et grosse quand ses amis voient en
elle une charmante jeune femme tout en rondeurs. A 35 ans, Cédric végète dans
un emploi de gratte-papier très éloigné de ses capacités réelles. A son
entourage qui le conjure de réagir, il répond : "Je suis déjà content de
ne pas être au chômage !"A l’inverse, avoir une vision positive de
soi-même permet de lutter contre l’adversité, de persévérer, alors même que
l’horizon paraît bouché.
Christophe ANDRE .Médecin
psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne et enseignant à l’université Paris 10
Qu’est-ce que l’estime
de soi?
L’estime de soi est le résultat
d’une auto-évaluation. Il s’agit en quelque sorte d’un baromètre révélant dans
quelle mesure nous vivons en concordance avec nos valeurs. L’estime de soi se
manifeste par la fierté que nous avons d’être nous-même et repose sur
l’évaluation continue de nos actions. Que nous en ayons conscience ou non,
l’évaluation que nous faisons de nos comportements nous atteint toujours. À
chaque action subjectivement importante, nous émettons un verdict à peu près
dans ces termes: “ce que je fais est valable à mes yeux” ou “ceci n’est pas
valable”. Dans le premier cas, l’action me valorise, alors que dans l’autre
cas, je suis dévalorisé à mes yeux. De plus, cette appréciation s’inscrit
immédiatement en mémoire et s’attache au concept de soi.
Je camoufle la vérité pour éviter une
discussion, alors que je suis pour la transparence. Je ne suis pas fière de moi
et je baisse dans mon estime.
J’ose donner mon opinion devant tous ces
gens que je sais plus compétents que moi parce que j’expérimente de prendre ma
place. Je monte dans mon estime.
Ainsi, l’estime de soi est une
valeur fragile et changeante. Elle augmente chaque fois que nous agissons en
respectant nos standards et diminue chaque fois que notre comportement les
contredit. Il est donc possible qu’elle soit très haute ou très basse selon les
périodes de notre vie.
Je suis alcoolique, tout à fait conscient
d’éviter de faire face aux vraies questions de ma vie. Mon estime de moi est si
faible que pour l’oublier je bois davantage.
J’ai abandonné la bouteille pour affronter
mes problèmes. Je suis maintenant une personne qui fait face à sa réalité. Mon
estime de moi a grandi; je suis énormément fier.
B. L’importance de l’estime de
soi pour la qualité de vie
1. Favorable à l’actualisation
Une bonne estime de soi facilite
l’actualisation de notre potentiel comme être humain. Celui qui s’estime a
tendance à mettre ses aspirations de l’avant et à se développer. Au contraire,
l’individu dont l’estime est faible peut facilement renoncer à repousser ses
limites. Souvent il n’a pas confiance d’en être capable mais d’autre fois, il
s’abstient de voir grand pour sa vie parce qu’il a l’impression de ne pas le
mériter. Il se trouve alors dans un cercle vicieux dont il ne découvre pas
toujours l’issue.
2. Attrait pour des semblables
Nous recherchons intuitivement la
compagnie de personnes dont l’estime de soi est comparable à la nôtre. Si elle
est élevée, la relation devient source de stimulation pour “aller plus loin”.
Dans le cas inverse, nous pouvons mutuellement nous “tirer vers le bas”. Par
exemple, une faible estime nous prédispose à tolérer d’être traité avec peu de
respect et subir un tel traitement entraîne inévitablement une chute de
l’estime de soi. Au contraire, une estime de soi plutôt forte va de pair avec
un respect pour soi-même et dans ce cas, nous refusons l’irrespect sous quelque
forme que ce soit. Et nous recherchons la compagnie de personnes pour qui nous
avons de la considération et qui sont capables de reconnaître notre valeur.
3. Une base pour une relation épanouissante
L’estime de soi influence aussi
la relation amoureuse. Il est difficile de croire en l’amour de l’autre quand
notre opinion de nous est négative. Il nous arrive donc de contester les
manifestations amoureuses et même de mépriser l’amant qui nous exprime son
amour ou son désir. À nos yeux, en effet, il n’y a qu’un être de peu de valeur
qui puisse s’attacher à une personne aussi insignifiante que nous. À cause de
cela, nous choisissons souvent des personnes dont l’amour est difficile (sinon
impossible) à gagner, convaincu que notre réussite serait la preuve de notre
valeur. Mais ces tentatives échouent la plupart du temps (voir “Dépendance
affective et besoins humains”).
La relation amoureuse entre deux
personnes dont l’estime est solide a de meilleures chances de réussir. D’abord
parce que l’estime est un des ingrédients importants de l’amour. Or il y a de
fortes chances pour qu’une personne qui s’estime le soit également par ceux qui
partagent ses valeurs, comme c’est souvent le cas dans les relations
amoureuses. De plus, l’estime d’un partenaire aussi important constitue une
nourriture affective d’une richesse sans pareille. Enfin, la sécurité
personnelle qui découle de l’estime de soi peut faciliter le dénouement des
problèmes de la vie intime. La personne est moins facilement menacée et elle
devient plus rarement défensive.
Avec une telle base, les amants
peuvent se consacrer à leur développement et à celui de leur relation. Ils sont
aussi à même de supporter l’autre dans sa quête d’épanouissement. Ils
consomment moins d’énergie à rechercher la sécurité et la confirmation de leur
valeur dans les yeux de l’autre.
4. Gage de réussite
Hors des sentiers battus. Par
ailleurs, une forte estime de soi favorise la réussite. Elle aide à prendre des
risques, à chercher des solutions innovatrices, à faire preuve de ténacité et
de persévérance. Ces attitudes mènent souvent à la victoire qui, à son tour,
alimente à la fois la confiance et l’estime. D’autre part, la multiplication
des succès permet de supporter des échecs qui seraient catastrophiques pour une
personne à l’estime fragile.
Plus mon estime de moi est élevée et plus
je puis voir grand pour ma vie. À mes yeux, je mérite de réussir ce que
j’entreprends; c’est pourquoi je n’hésite pas à y consacrer les efforts
nécessaires. Cette attitude m’attire plusieurs succès qui me permettent de
confirmer ma confiance dans ma capacité de réussir. Cette confiance acquise,
les échecs ne sont plus des abominations à éviter mais des erreurs de parcours
desquelles je tire profit.
À l’inverse, si mon estime est faible, je
ne suis pas porté à viser haut pour ma vie. Mes entreprises et mes projets
avortent par manque de ténacité. Je ne possède pas cette force qui me
pousserait à obtenir ce que je recherche en croyant que j’en vaux la peine. Mon
manque de persévérance est souvent responsable de mes échecs et au bout du
compte de mon manque de confiance dans mes capacités. À cause de la mauvaise
opinion de moi qui en résulte, je me contente de relations peu nourrissantes
(et souvent contribuent à me dévaloriser davantage), d’un travail qui ne me
permet pas de me développer, d’une vie en deçà de mes rêves...
C. Une auto-évaluation
préparatoire
En résumé, il n’est heureusement
jamais trop tard pour augmenter, construire ou rebâtir l’estime de soi. Et il
n’est pas nécessaire d’entreprendre une longue psychothérapie pour y arriver.
Il est toujours à notre portée de la rehausser et de la conserver à un niveau
élevé.
Mais pour entreprendre cette
reconstruction de notre estime, il est préférable de savoir sur quels aspects
nous aurons à travailler. Un diagnostic de notre situation actuelle est
nécessaire afin d’orienter nos efforts. Cette section permettra de faire cette
évaluation personnelle en fournissant les outils nécessaires.
1. La méthode
Je vous propose quatre questions
qui vous permettront d’identifier les dimensions sur lesquelles il pourrait
être utile de travailler. Pour chaque question, j’indique les éléments à
considérer dans votre évaluation et le critère à utiliser pour vous situer.
2. Les questions
a- Le droit d'exister
Est-ce que je m'autorise à avoir toutes...
Mes émotions Oui Non
Mes Valeurs Oui Non
Mes besoins Oui Non
Critère: pour chaque item, la réponse est
oui (toutes) ou non
b- L'affirmation
Est-ce que j'ose affirmer chacune de ces
réalités (question a) devant les personnes dont l'opinion m'importe ou pourrait
m'importer ?
(Ceci inclut nécessairement les personnes
que vous admirez, celles dont vous voulez être estimé ainsi que celles qui ont
une autorité quelconque sur vous.)
Oui Non
Oui Non
Oui Non
Critère: Pour chaque personne, oui
(j'affirme ces trois dimensions de moi) ou non
c- Fidélité à moi-même
Est-ce que, dans ma façon d'agir, je
respecte vraiment les choses qui sont très importantes à mes yeux:
mes valeurs 1 2 3
4 5 6 7 8
9 10
mes besoins 1 2 3
4 5 6 7 8
9 10
mes émotions 1 2 3
4 5 6 7 8
9 10
Critère:
0 = jamais
5 = quand il n'y a pas de conséquences
10 = toujours
d- Attitudes devant la vie
Dans quelle mesure mes actes manifestent
habituellement les attitudes suivantes
Persévérance devant les
difficultés 1 2
3 4 5
6 7 8
9 10
Capacité d'accepter mes erreurs 1
2 3 4
5 6 7
8 9 10
Attrait pour l'inconnu 1
2 3 4 5 6
7 8 9 10
Critère:
0 = jamais
5 = comme la plupart des gens
10 = toujours
Michelle LARIVEY, psychologue
Estime et regard sur
soi
Porter
un regard sur les différentes parties qui constituent un être humain ne
s’acquiert pas sans effort, sans courage, sans soutien. Le regard sur soi est
tributaire de la manière dont nous avons traité et résolu certaines
difficultés, certaines souffrances, certaines peurs acquises durant l’enfance,
l’adolescence et l’âge adulte. N’oublions pas que sans travail sur soi, la part
d’inconscient d’un individu s’approche de près de quatre-vingt pour cent. Dans
cet inconscient se sont réfugiés les traumatismes, les peurs, les souffrances
mais également toutes les expériences sensorielles vécues depuis la naissance.
Deux mouvements psychiques animent la vie intérieure d’une personne : la
projection et le transfert. C’est-à-dire qu’on attribue à l’autre quelque chose
qui nous affecte ; on projette une peur archaïque, une colère enfouie sur l’autre en face de soi. Et on est
convaincu que c’est l’autre qui nous manifeste sa colère, son agressivité. Le
deuxième mouvement psychique est le transfert. Un rapport inconscient à son
père, sa mère, ses frères et sœurs s’est créé en soi. C’est-à-dire que notre
corps a un point de vue caché, dissimulé sur ce que nous ressentons
profondément au cœur de soi vis-à-vis de nos proches. Le transfert de la
relation inconsciente a son père, sa sœur par exemple va être attribué en
termes d’émotions, de sensations et de sentiments attachés à d’autres personnes
qui n’ont rien à voir avec les personnes concernées au premier plan. Notre
inconscient fait ce travail de transfert.
En fonction de notre histoire de
vie, nous allons nous glisser dans des positions de vie qui parlent de notre
rapport à soi et à l’autre. Elles s’expriment différemment pour chacun d’entre
nous dans ces positions : « je ne m’accepte pas et je n’accepte pas les autres
» ou « je m’accepte et j’accepte les autres » ou « je ne m’accepte pas et
j’accepte les autres » ou « je m’accepte et j’accepte pas les autres ». Bien
évidemment, sans en avoir connaissance, ces mécanismes sont dans l’inconscient
et nous manœuvrent. Pour mieux comprendre la complexité du regard sur soi, il
s’agit d’imaginer quatre quadrants qui définissent de manière métaphorique une
femme, un homme. Tout d’abord, il y a le quadrant du grand jour. Ce que moi et
les autres connaissent de moi. Ensuite, il y a la zone aveugle, ce que les
autres savent de moi sans que j’en sois conscient. Il y a aussi le jardin
secret avec les éléments que je garde en moi volontairement cachés. Les
dévoiler s’appelle de la révélation. Et enfin, le dernier quadrant correspond à
ce que je ne sais pas de moi et que les autres ne savent pas non plus. Sa
superficie est souvent la plus importante des quatre. Il s’agit de
l’inconscient.
Avec Guy CORNEAU, je m’associe à ses propos «
Donc oui, il faut agir sur nos états intérieurs pour stimuler la vie et nos
capacités de guérison qui n’attendent que nous. Je ne dis pas que c’est facile,
mais nous sommes beaucoup plus que le petit personnage auquel nous nous sommes
identifiés. Donc ça commence par se concevoir comme un ensemble énergétique
intelligent et en évolution, qui donne naissance à l’être que nous sommes, et
qui est connecté au monde et à d’autres champs énergétiques intelligents
visibles ou invisibles. Il faut élargir le connu pour se redécouvrir, et
redécouvrir la réalité dans laquelle nous baignons. De toutes façons, si nous
restons avec nos rigidités nous allons mourir avec elles alors qu’il est
peut-être encore temps de suivre le chemin de la vie, de retrouver la fluidité.
»
Jean-Paul PARENT, Consultant Formateur Santé et Ressources
humaines, Hypnothérapeute, coach
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