LA MISE EN PLACE DES TROUBLES PSYCHO-TRAUMATIQUES
Pour mieux comprendre l'impact
des violences nous allons voir ce qui se passe dans le cerveau au moment des
violences, et comment les troubles psycho-traumatiques se mettent en place (cf
article du docteur Muriel Salmona, 2012).
Le cerveau met en place un mécanisme
de sauvegarde biologique exceptionnel pour échapper au risque vital
(cardio-vasculaire et neurologique) que représente le stress extrême généré par
les violences. Le cerveau est bien fait pour se confronter au danger quand la
situation est analysable, mais le cerveau se retrouve en panne lorsque la
situation de danger est incompréhensible et synonyme de non-sens. En situation
de danger immédiat, le cerveau répond par une réaction émotionnelle immédiate,
non consciente et non contrôlée par le cortex. Cette réaction émotionnelle
commandée par une petite structure sous-corticale qui s’appelle l’amygdale
cérébrale. Cette amygdale cérébrale fait office de système d’alarme
hyperpuissant. Elle va mettre l’organisme en état d’hypervigilance et lui
permettre de répondre à la situation de danger en mobilisant toutes les
ressources d'énergie disponibles par le biais de la production d’hormones de
stress, l'adrénaline et le cortisol. Ces hormones de stress seront responsables
de l'augmentation de l'activité cardiaque et respiratoire, et de la mise en
circulation de quantité importante d'oxygène et de glucose qui sont les
carburants de l'organisme. Dans un deuxième temps le cortex analyse la
situation, il va aller rechercher des informations dans sa mémoire, son expérience
et ses apprentissages, il va faire des liens pour travailler la situation, la
comprendre, trouver une solution et agir. Lorsque qu’une réponse au danger se
met en place, le cortex parallèlement module l’alarme amygdalienne en fonction
des besoins énergétiques de l'organisme. Le cortex va donc diminuer, voire
éteindre l’alarme et sa réponse émotionnelle par son action d'analyse et de
prises de décisions.
Dans un troisième temps, lorsque
l’on a échappé à la situation de danger, toute l’expérience sensorielle et
émotionnelle va être travaillée, encodée par l’hippocampe (sorte de logiciel
qui permet de mémoriser tout ce que l’on vit et qui est indispensable pour
mémoriser, encoder et déposer dans le disque dur du cerveau). Ce mécanisme est
indispensable pour intégrer l'évènement et pouvoir ensuite le mémoriser, l'analyser, et en parler.
Lorsque le psychisme ne peut pas
affronter la situation, car celle-ci est trop horrible, impensable, qu'elle n’a
aucun sens pour la victime, le cortex se bloque, on appelle cela la sidération,
et c'est cette sidération qui entraîne des troubles psycho-traumatiques. Le
psychisme est alors paralysé (les victimes disent qu’elles sont restées bouche
bée, en situation de sidération face à l’évènement sans pouvoir le penser, sans
pouvoir se défendre, ni fuir, ni bouger, ni crier). La sidération fait que le
cortex ne peut modérer l’alarme et donc la réaction émotionnelle qu'elle
commande. On pense alors que l’on va mourir non seulement à cause de la
violence et de la volonté destructrice de l'agresseur, mais également à cause
des conséquences physiques du stress extrême (on pourrait en effet mourir par
infarctus du myocarde à cause des taux toxiques d’adrénaline). L’adrénaline est
toxique pour le système cardio-vasculaire, et le cortisol toxique pour le
système neurologique. On risque un équivalent de coma épileptique, le cortisol
peut détériorer jusqu’à 30 % des neurones de certaines zones du cerveau, et de
nombreux circuits neurologique et connexions dendritiques.
Comme dans un circuit électrique
en survoltage, tout peut peut griller. Le cerveau est bien fait, il met en
place un mécanisme de sauvegarde exceptionnel de disjonction, seule solution
puisqu’on ne peut pas éteindre l’alarme. Donc le stress monte de façon dangereuse,
puis tout s’arrête d'un coup, la réponse émotionnelle s'éteint brutalement,
avec une impression de corps mort, de dissociation, d’irréalité, d’étrangeté,
très bien décrite par les victimes de violence qui ont l’impression d’observer
la scène au lieu de la vivre, d'en être le spectateur, on est dans un état
d'anesthésie émotionnelle qu'on appelle la dissociation. Si on est coupé de nos
émotions, cela donne l’impression que l'évènement arrive à quelqu’un d’autre,
comme si notre corps ne nous appartenait plus, cette sensation de corps - ou de
parties du corps - qui devient étranger-s s'appelle la décorporalisation. Cette
anesthésie physique et émotionnelle se fait grâce à la production par le
cerveau d'équivalents de morphine et de kétamine (drogues utilisées en médecine
pour calmer les souffrances les plus extrêmes). Cette disjonction et cette
dissociation permettent de survivre mais comportent des inconvénients très
importants, tout d’abord parce que cela empêche de se défendre au moment des
violences, puisque l’on est réduit à un état d’automate. Mais également parce
que la la plupart des victimes de violences auront du mal à réaliser ce qui
s'est passé, privée qu'elles sont de leurs émotions. Intellectuellement elles
sauront que c'est très grave mais émotionnellement cela ne leur paraîtra pas si
grave.
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